Témoignage : Privée de gluten… à vie

Mar 5, 2014 | 8 commentaires

Lyonnaise d’adoption, Solène a été diagnostiquée malade cœliaque à l’âge de 21 ans. Bloggueuse et développeuse informatique, elle tente cette année le CAP pâtisserie en candidat libre. Son objectif : ouvrir sa pâtisserie sans gluten. La jeune femme de 28 ans fait le point sur son intolérance au gluten et le quotidien avec sa maladie. Rencontre.

Mes douleurs au ventre étaient censées être… psychologiques

Quel a été ton parcours jusqu’au diagnostic de ta maladie ?
Solène : Le diagnostic a été très long… Il a pris 3 ans ! A partir de mes 18 ans, j’ai commencé à avoir souvent mal au ventre, être tout le temps fatiguée et perdre du poids. J’ai vu plusieurs médecins dont un gastro-entérologue renommé à Lyon qui m’a affirmé que mes douleurs étaient… psychologiques ! J’ai donc décidé de tenir un journal. Tous les jours, je notais ce que je mangeais et comment je me sentais. Après plusieurs mois, j’avais repéré que les pâtes et le pain me faisaient mal au ventre. Je suis retournée voir un gastro-anterologue à Montpellier en le lui signalant. Il a tout de suite pensé au gluten. A l’époque, je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait être. J’ai fait une prise de sang qui a confirmé la présence des anticorps antigliadine [marqueurs de la maladie, ndlr] et une gastroscopie qui a montré que la paroi de mon intestin était complètement rasée [les anticoprs attaquent les villosités de la paroi intestinale, ndlr].

Finis, les douleurs et problèmes de peau !

Ces examens ont confirmé que j’avais bien la maladie cœliaque. Le médecin a fait faire des tests à mes parents et mon frère, car il peux y avoir un facteur héréditaire. On a découvert que mon père avait la même maladie. Il a passé 50 ans à avoir souvent mal au ventre et ses problèmes de peau ont stoppé net quand il a arrêté de manger du gluten ! Après mon diagnostic, j’étais plutôt contente d’avoir enfin trouvé la source de mes douleurs. Le médecin qui m’a diagnostiquée m’a envoyée voir une diététicienne qui m’a tout expliqué sur le gluten.

Pourquoi le régime sans gluten t’est-il indispensable ?
S : Comme ma paroi intestinale était détruite, je ne récupérai plus aucun nutritifs dans les aliments, avant de commencer mon régime j’avais une ostéopénie (manque de calcium) et de très grosses carences en fer. Si j’avais continué à manger du gluten les carences auraient été de pire en pire et d’autres symptômes plus graves auraient pu survenir (dépression, maladies de peau, cancers intestinaux, ulcères, infertilité…).

Merci aux people d’avoir mis le “sans gluten” à la mode !

Comment se sont passées tes premières semaines « sans gluten » ?
S : J’ai beaucoup cherché sur internet. C’était il y a 7 ans et le régime sans gluten était encore très peu connu. Il n’y avait pas de produits sans gluten dans les grandes surfaces comme aujourd’hui, juste quelques uns dans les magasins bio spécialisés. Finalement je remercie les people américains d’avoir mit ça à la mode !

Cuisinais-tu déjà beaucoup avant ton diagnostic ?
S : J’aimais déjà beaucoup cuisiner avant de découvrir mon intolérance. Mais c’est vrai que depuis, je cuisine encore plus. Je me suis mise à reproduire tout ce qui me fait envie et que je n’ai pas le droit de manger. Je suis frustrée de ne pouvoir manger qu’une salade lorsque l’on va à la pizzeria avec des amis. Le lendemain, je me prépare donc une pizza sans gluten. C’est un peu comme cela tout le temps !


Qu’est-ce qui t’a décidé à créer ton blog ?

S : J’aimais beaucoup regarder les blogs de cuisine, notamment le blog On mange sans gluten de Perrine. ll y a 3 ans, j’ai participé à l’émission Masterchef. J’y ai rencontré des blogueurs qui ont confirmé dans mon envie de créer mon propre blog. Comme j’ai fait des études d’informatique et que j’aime créer des site web, j’ai passé beaucoup de temps à créer le code et le thème de mon blog.

Le pain sans gluten n’aura jamais le même goût qu’un pain ordinaire…

Quels produits as-tu eu du mal à abandonner ?
S : Le plus dur a été d’abandonner le pain frais, car on ne peux vraiment pas retrouver cette texture et goût sans gluten ! Puis les gâteaux du commerce que j’avais l’habitude de manger (figolus, pailles d’or..). Mais là, c’est moins gênant car on peux réussir à faire de bon gâteaux sans gluten maison et on en trouve des bons dans le commerce. Les pâtes, je n’en mangeais déjà plus depuis plus d’un an lorsqu’on m’a diagnostiquée cœliaque, car j’avais repéré que cela me faisait mal au ventre. Certaines pâtes sans gluten du commerce sont vraiment immangeables… mais d’autres, comme les tagliatelles Gerblé, ne sont pas mal. J’ai appris à utiliser les farines sans gluten. J’ai beaucoup testé les mélanges entre riz, maïs, quinoa, châtaigne. C’est très intéressant d’utiliser toutes ces farines !

Le pain sans gluten doit être grillé dans un grille-pain dédié

Quels sont les « pièges » auxquels tu es confrontée ?
S : Au début, c’était assez dur de tout le temps regarder les étiquettes, après ça devient plus facile, mes yeux sont des radars à traces de gluten ! Il faut bien savoir sous quelle expression on peux le trouver. Les plus explicites : blé, malt… Mais aussi : amidon, arômes, additifs à 4 chiffres… Il faut changer ses habitudes. La contamination la plus fréquente, ce sont les miettes. Il faut penser à ne pas faire griller son pain sans gluten dans le même grille-pain que les autres. En tartinant, les personnes qui mangent du gluten remettent toujours quelques miettes sans les pots de confiture, sur le beurre… C’est difficile à gérer. L’idéal est de mettre toute la famille au sans gluten !

Comment gères-tu les sorties au restaurant ?
S : Au début, j’évitais de sortir, car j’étais frustrée de voir les gens manger ce que je ne pouvais pas. Mais maintenant, je ne me prive plus d’aller au restaurant. J’y vais même souvent. Par contre, je n’hésite pas à passer pour la “chiante” ! Je demande toujours au serveur qu’il aille demander en cuisine si le plat que je veux est réalisé ou peut être adapté uniquement avec des aliments sans gluten (sans la sauce, ou sans les croûtons…). Quand il répond tout de suite, je lui demande toujours d’aller confirmer en cuisine car j’ai souvent eu de mauvaises surprises : les serveurs ne savent pas toujours ce qu’est le gluten. J’ai très souvent des serveurs qui disent : “ah non c’est pas sans gluten, il y a des pommes de terre…”  Ou “oui oui c’est sans gluten” et c’est servi avec des pâtes… En général, je prends une salade ou une viande grillée sans sauce. En dessert, la crème brûlée est souvent sans gluten ou une salade de fruit !

La France est très en retard sur l’offre sans gluten et la connaissance de la maladie cœliaque


Comment situes-tu l’offre “sans gluten” en France par rapport à d’autres pays que tu as pu visiter ?

S : La France est très en retard par rapport aux autres pays. J’ai habité en Australie pendant 7 mois à la fin de mes études. Là-bas, le régime sans gluten est très démocratisé. Dans pratiquement tous les restaurants, il y a des options sans gluten (des bases sans gluten dans les pizzerias, des buns sans gluten pour burgers dans les fast food,… ). Et surtout tout le monde sait exactement ce qu’est le gluten, aucun serveur ne vous regarde de travers quand vous demandez du gluten free. Le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie et les États-Unis sont un peu pareils. A Londres, on trouve des sandwichs sans gluten au Starbucks. A New-York, Dominos propose des pizzas sans gluten. En Espagne,  McDo préparer des hamburgers sans gluten chez. En Italie, les restaurants servent des pâtes sans gluten …

Comment cette offre a-t-elle évolué depuis le diagnostique de ton intolérance ?
S : Dans les restaurants, il n’y a pas eu beaucoup d’évolution… Par contre, l’offre des produits sans gluten s’est beaucoup développée. Il y a quelques années, on trouvait presque rien dans les magasins bio. Maintenant, presque toutes les grandes surfaces ont leur rayon et même leur propres produits sans gluten. C’est encourageant.

• Le blog de Solène : Sunny Délices (recettes sans gluten)

Christelle Vogel

Article rédigé par Christelle Vogel

Cookismo, c’est moi, Christelle Vogel. Alsacienne d’origine, élevée au kouglof et à d’autres recettes alsaciennes traditionnelles, je suis aujourd’hui convertie au sans gluten. Vous trouverez encore néanmoins sur mon blog des archives de mon ancienne vie culinaire :). J’ai dirigé la rédaction Cuisine du Journal des Femmes pendant 3 ans. Actuellement journaliste et consultante freelance, je collabore avec Vital Food, Top Santé, et d’autres sites de nutrition et gastronomie. Depuis février 2017, Monsieur Cookismo et moi vivons à Bordeaux.

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8 Commentaires

  1. nathalie

    Merci pour ce témoignage très intéressant.Depuis un ans, mon taux de fer est très bas malgré un médicament pris deux fois par jour. Le médecin ma demandé de ne plus consommé de gluten malgré une prise de sang qui ne signale pas d’allergies.Peut ont être intolérant au gluten si la prise de sang est négatif? Peut être pouvez vous me renseigner! Nathalie.

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    • Christelle

      Bonjour Nathalie,
      L’intolérance grave au gluten est identifiée par la présence d’anti-corps spécifiques dans le sang. Cependant, comme l’indique le Dr Florence Solsona dans son interview, il existe des formes d’intolérance au gluten plus légères – qualifiées d’allergie ou hypersensibilité -, qui sont plus difficilement identifiables, leurs marqueurs n’étant pas encore déterminés à ce jour. Voyez comment évolue votre taux de fer après quelques semaines de régime sans gluten. L’essentiel étant de recueillir l’avis de votre médecin.

      Réponse
  2. Mariana

    Bravo et merci Christelle pour cette interview très intéressante. On ne pense pas souvent à tout ce qu’implique une intolérance au gluten. Je vais vite découvrir le blog de Solène :)

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    • Christelle

      Il y a quelques mois encore, je ne connaissais pas les symptômes et conséquences de l’intolérance au gluten. Sachant que seuls 20% des 150.000 malades cœliaques sont dépistés en France (selon l’Association française des intolérants au gluten), il est important d’en parler !

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  3. Solene

    Merci beaucoup Christelle pour cette interview !! Ton dossier “gluten” est bien complet et très intéressant ! Je suis ravie d’en faire partie et d’avoir pu partager mon témoignage.

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    • Christelle

      Difficile de comprendre l’intolérance au gluten “de l’extérieur”. Merci à toi Solene de nous avoir éclairés sur la maladie cœliaque et ton quotidien.

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  4. Alexanne

    Bonjour, j’aimerais savoir si vous avez passé la pratique du cap avec des produits sans gluten ou “a l’aveugle” avec des pâtisseries “normales” ?
    Moi meme intolérante et pratiquant le cake design je dois passer le cap pour ouvrir mon entreprise … Avec l’intolérance je ne sais pas dans quel condition passer ce cap.

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    • Solene

      Bonjour,
      J’ai passé le CAP en utilisant de la farine de blé, le jour de l’examen les ingrédients sont fournis, pas question pour le candidat d’apporter ses propres farines.. (et heureusement car si tu tombe sur les croissants et que tu comptes réaliser des croissants sans gluten .. bon courage ^^)
      Mais du coup oui la contrainte c’est qu’il faut s’entrainer avec la farine de blé, mes collègues de boulot ont servi de gouteurs testeurs car bien sûr pour moi c’était impossible de gouter mes préparations. Mais de toute façon à la tête de tes préparations tu vois si c’est réussi, tu peux gouter les crèmes déjà et pour les pâtes tu fais à l’œil.
      Si tu as besoin de conseils n’hésites pas à me contacter, je serais ravie de t’aider ! Bon courage.
      A bientôt, Solène

      Réponse

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