Plus célèbre pour son Père Noël que pour sa gastronomie, la Finlande multiplie les initiatives pour faire reconnaître sa cuisine à l’international. Mais qu’a-t-elle à offrir ?
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“La plus mauvaise gastronomie du monde.” Gloups. C’est ainsi que Jacques Chirac, alors président de la République, qualifiait la cuisine finlandaise en 2005. La boutade – bel exemple de bourde diplomatique – était adressée à l’époque en off au président russe et au chancelier allemand. Le sang froid des Finlandais n’a fait qu’un tour… Coïncidence ou non, deux ans plus tard, le Conseil nordique des ministres mettait le couvert en lançant son premier programme culinaire. Nom de code : New Nordic Food. Mission : redéfinir la gastronomie nordique et redorer son blason à l’international. Parce-qu’en Finlande, on ne plaisante pas avec la bouffe.
Cuisine traditionnelle : chou farci & confiture d’airelles © VIsitFiland
La cuisine enseignée à l’école
Les chefs autochtones définissent leur Nouvelle cuisine comme “pure, fraîche, locale et éthique”. L’alimentation nordique traditionnelle demeure quant à elle particulièrement riche en acides gras saturés (viandes, fromages, crème…) et non adaptée au mode de vie actuel. Depuis une vingtaine d’années, les cas d’obésité, de maladies cardio-vasculaires, diabète de type 1 touchant même les plus jeunes sont en recrudescence en Finlande. Les études se multiplient et font mauvaise presse à la gastronomie nordique. En 2011, les politique sortent l’artillerie lourde en lançant le programme New Nordic food II. Les règles nutritionnelles de base sont désormais enseignées à l’école, lors de cours d’économie ménagère. Côté restaurants, les chefs sont encouragés à suivre le mouvement…. et à communiquer autant que possible sur leurs initiatives.
Une Finlandaise croque une tartine gratinée © VisitFinland
La Finlande, c’est bio
Les chefs finlandais privilégient désormais la production nationale, de saison et biologique*. Un défi de taille, dans ce pays agricole le plus septentrional au monde. Bien que la saison végétative soit extrêmement courte, la Finlande offre de fabuleux produits bruts aux amoureux de la nature : baies survitaminées, champignons des bois, poissons des lacs, de la Baltique…
Tomates bio au marché “Slow Food” à Fiskars © Cookismo
Poussière d’étoiles
Malgré les efforts consentis par la nouvelle génération de chefs, la cuisine nordique peine à trouver grâce aux yeux des critiques étrangers, Guide rouge en tête. Aucune table nordique ou scandinave n’a pour le moment décroché trois étoiles au Michelin. Au Danemark, même le Noma du chef René Redzepi – nommé “meilleur restaurant du monde” depuis 2010 – n’affiche que deux étoiles. La Finlande, elle, se contente de six restaurants “une étoile”, tous situés dans la capitale Helsinki. Avec ses deux restaurants double-étoilés, la Suède fait figure de bonne élève.
Le restaurant Ask à Helsinki a obtenu sa 1ère étoile en 2014 © Cookismo
Top chef à la sauce nordique
Dans l’officieuse compétition culinaire entre pays du Nord, les chefs Finlandais accusent un train de retard. Alors que ses voisins scandinaves ont déjà remporté le Bocuse d’Or ou sont a minima monté sur le podium lors de ce prestigieux concours, la Finlande a pour le moment fait chou blanc…. au grand dam de Matti Jämsen, chef du restaurant G.W Sundmans (non étoilé) à Helsinki. Il a échoué à la 5e place du Bocuse en 2011 et tente à nouveau sa chance en 2015. “Je veux pouvoir dire que je suis le meilleur chef du monde, lance-t-il, modestement. Mais avant tout, ce serait un merveilleux coup de projecteur pour mon pays.”
Le chef Matti Jämsen (en premier plan) est candidat au Bocuse d’Or 2015.
Home, sweat home
En cuisine, les talents sont bien présents. Dans les faits, ils subissent le poids des traditions locales. “En Finlande, on se retrouve plus volontiers chez soi, autour d’un repas fait maison, qu’au restaurant, explique Ville Relander, responsable de la culture culinaire d’Helsinki. Mais cela évolue. La jeune génération est à la recherche de lieux conviviaux, où elle peut à la fois passer du bon temps et se mettre quelque chose sous la dent.” L’émulation entre chefs n’en est qu’à ses balbutiements.
Restaurant pop-up : rêve d’un jour
Tandis que les chefs rêvent d’étoiles pour briller à l’étranger, le Finlandais moyen, lui, aspire davantage à une cuisine fédératrice, sans chichi. En 2011, un collectif finlandais a lancé la première Journée du restaurant (Restaurant Day). Le but de l’initiative : permettre à n’importe quel cuisiner amateur de devenir chef d’un jour… et plus, si la sauce prend. Lors de la première édition, une quarantaine de restaurants éphémères – camions cantines, stands ou appartements privés -, se sont prêtés au jeu du “fait maison” à Helsinki. En 2014, ils étaient plus de 700. A chaque rendez-vous, le Restaurant Day mobilise désormais plusieurs centaines de passionnés dans le monde. Leur leitmotiv : transmettre de l’émotion par le biais d’une cuisine populaire, aussi imparfaite soit-elle. Et si l’essentiel était là ? Les Finlandais ont peut-être tout compris, finalement.
Le Restaurant Day : une initiative finlandaise © FlickR / Restaurantday
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Notes et Références :
* En Finlande, la surface cultivée en bio est passée d’un peu plus de 23.000 ha en 1995 à 170.000 ha en 2013, soit 9% de la surface arable, contre 4% en France. Sources : Finnish Food Savety Authority Evira et Agence Bio / OC, Agreste 2013.Une dent contre le lait ?
Se pourrait-il que la Finlande, premier consommateur de lait au monde, soit une pépinière à diabétiques précoces ? C’est du moins ce qu’affirme le médecin nutritionniste américain T. Colin Campbell dans la célèbre enquête portant son nom. D’autres études, plus récentes, vont également dans le sens d’une réduction de la consommation de lait, chez l’adulte. Sources : Consommation de lait par personne : le classement par pays / L’enquête Campbell (China Study), par T. Colin Campbell, première éd. USA en 2006.
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