J’ai été invitée en début d’année 2013 (oui, j’ai du retard dans mes publications…) à assister à un cours à l’école du Palais des thés à Paris. Le genre de cours qu’une théophile comme moi ne sècherait pour rien au monde. Pendant près de deux heures, la directrice de l’école, Carine Baudry ainsi que le PDG de la marque, François-Xavier Delmas, nous ont proposé plusieurs expériences permettant d’identifier de façon empirique les critères d’un bon thé. Les oreilles grandes ouvertes et le carnet de notes à portée de main, je n’en ai pas perdu une miette. En bonne élève, j’ai retranscrit ci-dessous tous les conseils glanés ce soir-là. A vos tasses, prêt… Par-thé ! :D
A l’école de thé, on apprend…
Expérience #1 : L’importance de l’eau dans la préparation du thé
Nous infusons le même thé dans trois eaux différentes (de gauche à droite) :
– Eau du robinet
– Eau filtrée faiblement minéralisée
– Eau riche en minéraux (type Hépar)
Pourquoi ces trois infusions sont-elles de couleurs totalement différentes ? Les tanins présents naturellement dans le thé font précipiter les minéraux de l’eau. Plus l’eau contient de minéraux, plus sombre est donc l’infusion. Le thé devient trouble et un dépôt se forme en surface. Il tache la tasse et… l’émail des dents.
Afin d’éviter ce genre de désagréments, il convient donc d’utiliser une eau de source, faiblement minéralisée (type Volvic) et au PH neutre. Notez également que le passage des arômes des feuilles de thé dans l’eau est plus difficile lorsqu’elle est fortement minéralisée.
A la dégustation (toujours de gauche à droite) :
– La première tasse est très astreignante. Le thé a un côté râpeux, il est «fermé».
– Le thé est limpide, il a une belle amplitude en bouche. Il est plus frais, plus parfumé.
– Le dernier thé est quasiment imbuvable…
Lors de la dégustation, les professionnels du thé activent la rétro-olfaction en «slurpant» le thé. Ils captent ainsi toutes les effluves du thé. Une bonne excuse à donner à votre maman, lorsque vous dégustez sa soupe un peu trop bruyamment…
Expérience #2 : L’influence des facteurs température et temps d’infusion
On infuse un même thé Sencha Ariake pendant 2 minutes dans une eau à 70°C d’une part (thé de droite) et pendant 5 minutes dans une eau à 100°C d’autre part (thé de gauche).– Le thé infusé pendant 2 minutes dans une eau à 70°C (à droite) présente une texture souple, des notes iodées, végétales (épinard cuit). Il est très vert dans la longueur. C’est une infusion harmonieuse. La liqueur est claire.
– Le thé infusé pendant 5 minutes (à gauche) présente quant à lui des notes végétales très brutes, sans subtilité, avec des arômes de “peau de poisson”. Il est très astringent. La liqueur est plus jaune.
François-Xavier Delmas : L’astringence n’est pas un défaut en soi. Il est nécessaire de chercher une harmonie, un équilibre dans la tasse. Chaque dégustateur a sa propre sensibilité et la tolérance à l’amertume varie d’une personne à l’autre. Le goût de l’amer n’est pas inné, contrairement à celui du sucré. Il s’agit d’une mémoire gustative millénaire : un système de rejet naturel du corps face aux poisons, qui sont amers. L’infusion d’un Darjeeling de printemps est de 3’45 et pas une seconde de plus. Au-delà, l’astringence est trop marquée. En-dessous, le thé ne s’est pas complètement exprimé. Lorsque l’on déguste des thés, il n’est pas recommandé d’en préparer de grandes quantités. Le thé évolue rapidement dans la théière. Mieux vaut utiliser des petites théières ou des mugs individuels.
Expérience #3 : Passer outre les prépositions gustatives liées à la vue
Deux tasses de thés nous sont présentées. Carine Baudry nous demande lequel nous semble le plus parfumé :Avant la dégustation :
1) Infusion très claire : impression de thé au goût léger
2) Infusion plus foncée, couleur caramel : impression de thé au goût marqué
Après dégustation :
1) Thé Perles de Jasmin, très parfumé
2) Eau additionnée de colorant, sans goût…
La vue induit donc des prépositions gustatives qu’il faut dépasser lors de la dégustation de thé. Le thé au jasmin, à la liqueur limpide, en est un bel exemple. Le PDG du Palais des thés nous explique son processus de fabrication.
François-Xavier Delmas : Un bon thé au jasmin ne contient jamais de fleurs. Elles ne doivent pas infuser. Comment ces thés au jasmin sont-ils alors obtenus ? Les thés de printemps sont mis de côté après récolte. En août, les feuilles sont ré-humidifiées puis mises au contact des fleurs de jasmin pendant le mois de septembre. Les fleurs sont ensuite ôtées une à une. Chaque perle de thé est ensuite roulée à la main.
Ce processus de fabrication explique le prix assez élevé des thés au jasmin de belle qualité. Conclusion : si vous voyez de nombreuses fleurs de jasmin dans un thé, n’achetez pas ! Les très bons jasmins ont des notes de fruits rouges, de fraises de bois. Ils s’accordent très bien avec des desserts aux fruits rouges, type framboise.
Autre précision sur la couleur du thé :
François-Xavier Delmas : Les industriels qui font des thés en sachets de type CTC joue sur cette préposition gustative liée à la couleur. Vous remarquerez que les sachets de thé Lipton Yellow permettent d’obtenir en quelques secondes une infusion très sombre. Le consommateur pense alors déguster un thé très parfumé… mais ce n’est qu’une présupposition !
Expérience #4 : L’éveil de l’odorat
Nous avons tous une mémoire olfactive. Certaines odeurs nous évoquent des souvenirs : la maison de vacances, la cave de grand-mère, un séjour à la campagne… Ces évocations sont basées sur un vocabulaire qui nous est propre. Afin de pouvoir décrire des odeurs, celles du thé ici, nous utilisons une base commune de vocabulaire, avec pour référence la nature. On parle ainsi de notes boisées, fruitées, iodées… Savoir reconnaître et nommer les odeurs nous permet d’ouvrir de nouvelles portes lors des dégustations de thés.
Trois languettes parfumées nous sont présentées. On reconnaît :
– Des agrumes
– Des fruits rouges avec une évolution vers les fruits jaunes (pêche, abricot), notes fruitées
– Des notes végétales mentholées
Trois thés nous sont servis. Le jeu consiste à les associer à l’une des trois languettes ci-dessous :
– Thé du Hammam > notes de fruits jaunes
– Thé goût russe > dominante d’agrumes
– Thé des sources > menthé, avec une touche de bergamote
Expérience #5 : Déguster le thé dans un cocktail
Le thé peut entrer dans la préparation de cocktail. Celui qui nous est servi comporte 1/3 de thé des Alizés et 2/3 de Crémant. Le mélange est subtil. Si l’on souhaite consommer les thés parfumés froids, il est conseillé de les faire infuser dans de l’eau à température ambiante (voir article Comment préparer les thés glacés). A noter que certains thés d’origines, comme le thé grillé Hojicha, sont mieux révélés dans de l’eau chaude. Il convient alors de les infuser normalement puis de les laisser refroidir. Les Darjeeling de printemps doivent quant à eux impérativement infuser dans de l’eau à température ambiante.
• Consulter le site de l’Ecole du thé & l’agenda des cours
Cookismo, c’est moi, Christelle Vogel. Alsacienne d’origine, élevée au kouglof et à d’autres recettes alsaciennes traditionnelles, je suis aujourd’hui convertie au sans gluten. Vous trouverez encore néanmoins sur mon blog des archives de mon ancienne vie culinaire :). J’ai dirigé la rédaction Cuisine du Journal des Femmes pendant 3 ans. Actuellement journaliste et consultante freelance, je collabore avec Vital Food, Top Santé, et d’autres sites de nutrition et gastronomie. Depuis février 2017, Monsieur Cookismo et moi vivons à Bordeaux.
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